1916-03-14-DE-005
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Quelle: DE/PA-AA/BoKon 99/Bl. 121-128
Botschaftsjournal: 10-12/1916/3016
Erste Internetveröffentlichung: 2010 April
Edition: Deportationsbestimmungen
Zustand: A
Letzte Änderung: 03/23/2012


Die Filiale Konstantinopel der Deutschen Orientbank an die Botschaft Konstantinopel (Mordtmann)

Schreiben


Konstantinopel, den 14. März 1916.

2 Anlagen

Sehr geehrter Herr Generalkonsul,

beiliegend gestatte ich mir Ihnen ein uns soeben zugegangenes Schreiben unseres Beamten Varteressian zur gefl. Kenntnisnahme zu überreichen. Ich werde mir erlauben, falls Sie nichts anderes bestimmen, morgen, Mittwoch, bei Ihnen auf der Botschaft vorzusprechen, um Ihren Rat in dieser Angelegenheit zu erbitten.

Mit bester Empfehlung und sehr ergebenst.


Posth


Anlage 1

[Deutsche Orientbank Filiale Adrianopel an Zentrale Konstantinopel 7.3.]


Messieurs,

Je me permets par la présente de vous exposer en détails ce qui s’est passé ces derniers jours à Adrianople à propos des Arméniens et que la direction de notre Agence n’a pas manqué de porter à votre connaissance grâce à l’amabilité de Mr. le Vice-Consul d’Allemagne de n/v, qui a bien voulu vous télégraphier par l’entremise de son Ambassade, demandant vos instructions à mon sujet.

La nuit du 29 Février dernier a vu une nouvelle déportation d’une vingtaine de familles ayant à leur tête les deux chefs spirituels de la Communauté Arménienne et le lendemain on a fait courir le bruit qu’aucun Arménien ne devait rester à Adrianople, sauf au cas où ils voudraient abjurer leur religion et se convertir à l’Islamisme. Ce jour-là même, l’Eglise et l’Archevêché ayant été accaparés, une dizaine de familles, devant la perspective de la déportation qui, cette fois-ci s’annonçait beaucoup plus sévère qu’avant trois mois, vu que les employés même des Administrations officielles qui, en Novembre dernier avaient été exceptés de cette mesure, seraient l’objet des mêmes persécutions, ont embrassé le Mohamétisme.

Le [nicht entziffert] de la Régie des Tabacs, sur la prière des ses employés, s’est rendu auprès de Son Excellence le Gouverneur Général pour avoir des renseignements détaillés sur le cas et est rentré en disant qu’à son vif regret, l’ordre étant catégorique et ne souffrant aucune exception, il devait recevoir de leur part ou leur service, ou leur promesse de se convertir en famille également. A cette nouvelle, tous les employés arméniens des Etablissement Publics de n/v., à savoir , six à la Régie des Tabacs, trois à la Banque Ottomane et un à la Dette Publique Ottomane, se sont convertis.

Dans les journées du 2 et du 3 Mars les gardiens de nuits et les Moukhtars des quartiers se sont rendus chez toutes les familles Arméniennes restantes et leur ont transmis l’ordre de la Police de se convertir jusqu’au soir même ou bien de se préparer pour être déportés la nuit même. Les familles qui, tout en acceptant la conversion ont voulu épargner cela à leurs filles internés à l’Ecole des Sœurs de Charité d’Agram de n/v. ont été placées dans l’alternative ou de se convertir en famille ou d’être déportées, de sort que personne n’a pu échapper à cette conversion ou déportation en masse. Ainsi donc plus de 150 personnes ont embrassé le Mohamétisme et une centaine ont été déportés les premières nuits.

Aujourd’hui en notre ville il n’a y qu’une famille arménienne, c’est la mienne et cela parce que je sens, très heureusement, avoir un appui : votre haute protection.

Monsieur le Consul nous a transmis hier l’heureuse nouvelle que vous avez bien voulu faire des démarches et qu’à la suite, les ordres ont été donnés aux lieux compétents ici de ne pas m’inquiéter, ce dont je vous remercie de tout mon cœur, à mon propre nom et à celui de ma mère et de ma sœur, celle-ci âgée de 13 ans et se trouvant depuis quatre mois, en pension à l’Internat des Sœurs de Charité d’Agram.

Par mesure de prudence, depuis le premier Mars, je n’ai pas mis le pied dehors et suis décidé à ne pas me montrer du tout jusqu’au rétablissement de la situation, espérant ainsi me faire oublier. J’ai de même changé de bureau à la Banque de façon à être à l’écart de la clientèle. Cependant, malheureusement, on a commencé à m’adresser des menaces et je vois que les Autorités emploieront tous leurs efforts pour me faire subir le même sort que mes coreligionnaires et j’ai tout lieu de craindre qu’ils ne s’en prennent aux calomnies pour arriver à leur but.

Ce matin, descendu au Bureau j’ai eu la désagréable surprise de trouver sur ma table un billet à écriture contrefaite à dessein que le cavass a ramassé le matin au seuil de la porte de la Banque. Je vous en remets ci-inclus la copie.

Mon Directeur, Mr. Kliadès, qui, dans ces moments difficiles de mon existence s’est particulièrement intéressé à moi, a couru immédiatement chez Mr. le Consul à qui il a montré le susdit billet et, sur son conseil, il s’est rendu auprès de son Excellence le Gouverneur qui, tournant la chose à la plaisanterie, lui a dit que, c’est moi-même, personnellement, qui doit présenter la plainte pour ce billet à la préfecture de police.

Sur la demande de Mr. Kliadès si la Banque pouvait oui ou non compter sur moi, afin de pouvoir, si nécessaire, prendre ses mesures pour que notre Agence ne souffre pas dans son service, Son Excellence lui a dit qu’il ne pouvait y répondre.

Dans l’intervale, un de mes amis, envoyé de la part de Tevfik Bey, chef ad interim de la Police, vient me demander ce que j’ai décidé, car je suis aujourd’hui le seul Arménien à Adrianople; le susdit fonctionnaire m’a fait dire que je dois lui répondre aujourd’hui même si j’accepte ou non sa religion. Je lui a fait dire que je voudrais bien accepter sa proposition mais que devant changer mon nom et ma signature officiellement reconnue par le public au moyen de circulaires, je dois attendre les instruction de la Direction de notre Banque à Constantinople qui remplira certaines formalités pour informer notre clientèle de ce changement dans notre service.

Vous comprenez bien, Messieurs, que cela n’est qu’un subterfuge pour gagner quelques jours et vous donner ainsi le temps de me passer vos instructions pour faire le nécessaire.

Je vous prie de croire, Messieurs, que tant que je me sentirai armé de votre inestimable protection, je ne m’abaisserai par à abjurer des croyances que je tiens de mes ancêtres; j’ai la pleine conviction que cette haute protection allemande m’aidera à traverser ces moments difficiles et sauvera mon honneur. Je me défendrai donc jusqu’au dernier moment et ne céderai qu’au moment où je serai désarmé en apprenant que vous-même vous vous trouverez dans l’impossibilité de m’aider dans ces circonstances si délicates.

Je vous prie instamment, Messieurs, de vouloir bien avoir l’obligeance de me faire savoir :

1. si vous me conseillez à persévérer dans cette attitude, rejetant toute menace, à condition, naturellement, de rester volontairement à la Banque, où, je crois, personne ne peut mettre en danger ma sécurité;

2. si vous voudriez, en obtenant un passeport pour ma mère, ma sœur et moi, me transférer, provisoirement, à Berlin ou à Hambourg où, avec le peu d’Allemand que je connais, je pourrais satisfaire mes chefs. Je n’ose solliciter un transfert à Constantinople craignant le danger de voyager dans ces conditions ayant encore en vue l’assassinat de deux commerçants qui se rendaient dernièrement à Constantinople par voie de terre (via Babs-Eski).

3. A supposer que ce transfert fût impossible, si vous voudriez et pourriez vous procurer un permis pour traverser la frontière bulgare avec ma famille et m’accorder un congé illimité payé ou non-payé ou bien accepter ma démission de votre honorable Etablissement que je quitterais bien malgré moi et avec un profond regret, lui étant redevable de tous les bienfaits dont il m’a comblé durant mes dix années de service.

Mille excuses, Messieurs, pour la liberté que je prends de tracer les lignes si tristes pour moi composant ce dernier paragraphe, mais je m’y vois obligé par la pensée même qui me fait déjà tressaillir, de voir un jour ma sœur chérie tendre la main , par force, à un étranger …., ce qui malheureusement ne devra pas tarder pour les jeunes néophytes.

Je suis vraiment confus de vous occasionner tant de dérangement dans cette question, mais j’ai recours à vous parce que je ne vois de salut que dans votre influente intervention; au cas où vous vous trouveriez, vue la situation actuelle, dans l’impossibilité de donner une suite favorable à aucune de mes trois sollicitations ci-haut, je me sentirais alors totalement désarmé et, n’ayant plus le courage ni la force de me défendre, je serai obligé de me rendre et d’accepter comme mes coreligionnaires la religion de l’Islam.

Je suis fermement convaincu que vous ferez tout votre possible pour éviter à un de vos plus dévoués et reconnaissants employé d’arriver à cette extrémité si basse et déshonorante et, ne trouvant pas d’expression propre pour vous témoigner ma gratitude, je ne puis que vous répéter, Messieurs, simplement merci pour tout ce que vous avez fait et ferez à l’égard de votre tout dévoué


Varteressian

P.S. Désirant que la présente ne figure pas dans vos archives, je vous serais bien obligé si vous vouliez la détruire après en avoir pris connaissance.


Anlage 2

Mr. Vareks

Monsieur

Sachez sûrement que la branche que vous croyez forte est vermoulue. Sauvez votre vie un jour avant.

Un amant musulman.



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